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dimanche 24 janvier 2010

Compte rendu des entretiens sur la mémoire "Yves Coppens - Michel Serres"


Samedi 14 novembre, la Biblio a eu l’honneur de retransmettre en direct toute une journée de conférences autour du thème de la mémoire. Cette journée intitulée « Révolution autour de la mémoire - de la mémoire des hommes à la mémoire des choses » était organisée par Doc Forum dans le cadre des Entretiens Michel Serres – Yves Coppens, et se déroulait au Palais des Congrès de Lyon.


Beaucoup d’intervenants de grande qualité, parmi lesquels Michel Serres et Yves Coppens bien sûr, mais aussi Claudie Haigneré, étaient invités à s’exprimer. La matinée était consacrée aux « mémoires de l’univers » et l’après-midi aux « mémoires des hommes ». Le but des Entretiens M. Serres – Y. Coppens est d’informer la société civile sur les changements que connaît notre époque et de favoriser la réflexion commune sur leurs conséquences. Et c’est bien une journée de découverte et d’échanges intenses que nous avons pu suivre à la Biblio ! Je vais tenter de restituer pour vous (et bien modestement !) la richesse des enseignements de la matinée.

Après l’introduction de Patrick Bazin, Président de Doc Forum, et une présentation de la journée par Michel Serres et Yves Coppens, c’est Claudie Haigneré qui a d’abord pris la parole.


Claudie Haigneré a commencé par évoquer son expérience d’astronaute et la manière dont son corps, désorienté lors de sa première visite dans l’espace, a su retrouver ses marques dès sa deuxième visite : il avait gardé la mémoire de l’apesanteur… Elle s’est ensuite exprimée en tant que présidente de la Cité des Sciences et de l’Industrie et du Palais de la Découverte. En quoi la question de la mémoire est-elle cruciale dans ce cas ? En réunissant les deux établissements le but est d’alimenter le développement du GRU – Grand Récit de l’Univers – en créant un pont entre la mémoire des visiteurs de toutes les générations et la mémoire de l’univers. Dans ce champ de l’ « éducation informelle », le but est de s’adresser non seulement à l’intelligence des visiteurs, mais aussi à leurs émotions. La science est remise en culture pour passer du savoir à la connaissance, en superposant des traces dans les esprits des visiteurs. Elle termine son intervention sur cette jolie maxime : « Nous sommes tous des poussières d’étoiles »…
Le deuxième intervenant de la matinée est Dominique Boutigny, Physicien au CNRS et Directeur du Centre de Calcul de Lyon, dédié à la physique subatomique.
Mais quel lien existe donc entre la physique des particules et la mémoire ? Pour lui, la physique nucléaire et la physique des particules sont complémentaires car elles permettent de faire le pont entre la physique de l’infiniment petit et la physique de l’infiniment grand. Dominique Boutigny retrace alors la mémoire de la physique, de Démocrite à la mécanique quantique. Alors qu’en physique classique, les phénomènes sont ou ne sont pas, la mécanique quantique introduit les notions d’incertitude et de probabilité. En accélérant les particules, on concentre l’énergie en un point minuscule et on est ensuite capable de retrouver la mémoire de qui s’est passé au début de l’univers. On explore les lois les plus fondamentales de l’univers. Saviez-vous que la matière qui nous compose ne représente que 5% de l’univers – les 95 % restants étant en fait de l’énergie noire ? :)
Un intermède musical est alors proposé. Sylvain Jaudon, pianiste et Corinne Sagnol, flûtiste, montent sur scène et charment nos oreilles.


Les conférences reprennent ensuite avec Jean-Pierre Luminet, directeur au CNRS, astrophysicien et physicien théoricien.
« On ne verra jamais aussi loin dans l’univers. » J.P. Luminet
Après avoir évoqué Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, la cosmologie et l’astronomie, il rappelle que regarder loin dans l’univers, c’est regarder dans l’histoire de l’univers. De son intervention, on retreindra entre autres : que la galaxie la plus proche de nous est à deux millions d’années lumière dans le passé, que l’eau est d’origine extra-terrestre (!), que notre système solaire est vieux de 4,566 milliards d’année, qu’il y a 100 milliards de galaxies dans notre univers observable. Nous aurons également la chance d’avoir vu un morceau de la météorite Allende – objet le plus ancien que l’on puisse tenir dans une main… Jean-Pierre Luminet explique ensuite comment les progrès en astrophysique permettent de retracer toutes les étapes de la formation d’une étoile. D’abord boule d’hydrogène, l’étoile subit une transformation thermonucléaire de l’hydrogène en hélium qui fusionne à son tour pour fabriquer du carbone et de l’oxygène. La supernova quant à elle, fabrique lors de son explosion, l’ensemble des éléments chimiques. Nous sommes tous bien des poussières d’étoiles… Il termine enfin en expliquant que c’est le rayonnement fossile qui permet de reconstituer l’histoire de l’univers. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Les chercheurs tentent d’effacer la singularité du Big Bang. Il y aurait eu un univers avant le Big Bang… Peut-être les hommes pourront-ils en détecter les traces, un jour…
La matinée s’achève sur l’intervention de Xavier Le Pichon, titulaire de la chaire de géodynamique au Collège de France.
Xavier La Pichon est notamment un des contributeurs à l’émergence de la théorie des plaques. Il explique que la Terre est un système complexe qui évolue dans le temps et que nous sommes obligés de compenser nos difficultés à dater certains phénomènes avec des théories et des modèles. Notre reconstitution ne vaudra que ce que valent nos modèles… Ainsi, si la tectonique des plaques est le modèle actuel du fonctionnement de la Terre, on se bat encore sur la formation des Alpes et sur leur évolution. Ces dernières étaient en effet 1000 mètres plus hautes il y a 3 ou 4 millions d’années. Les Alpes sont en train de s’écrouler ! Pour reconstituer la position des continents et des océans, on fait simultanément appel au paléomagnétisme, à la géologie, et à la paléontologie. Le ballet des continents a débuté il y a 1,7 milliard d’années… Xavier Le Pichon nous apprend également que depuis son origine, la quantité de chaleur au centre de la Terre est 6 fois moindre : la Terre est un système thermique qui s’essouffle ! Mais alors, la tectonique valait-elle quand l’énergie était plus forte sur Terre ? Si l’on peut remonter jusqu’à 1,7 milliard d’années de manière à peu près solide, nous ne savons rien de la Terre avant 3,85 milliards d’années. On dépend alors des modèles… et ces modèles sont eux-mêmes sujet à controverses…
Ces interventions ont été suivies d’une séance de questions très intense. A la question : « Mais comment peut-on définir la mémoire ? », Michel Serres répondra : « La mémoire est l’ensemble de ce que l’on peut dire de l’ensemble des traces et des marques ».
Betty Renoir
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